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Le RSS à temps plein : quel est son statut d’emploi ?

Par Me Mylène Bureau-Turcotte et Me Eric Thibadeau / BCF

 

Depuis le 1er janvier 2023, la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) impose au maître d’œuvre d’assurer la présence d’un représentant en santé et en sécurité (RSS), à temps plein, sur les chantiers de construction de 12M dollars ou plus.

Malheureusement, le texte de loi est imprécis et cause ambiguïté et difficultés d’application et ce, malgré les sources d’informations disponibles. Ainsi, le RSS est libéré d’un employeur pour agir comme RSS chez un autre, est nommé par les syndicats de la construction, représente des travailleur(euse)s à la manière d’un délégué syndical, n’est pas nécessairement payé par le maître d’œuvre mais ce dernier doit en assumer les coûts.

Dans un tel contexte, plusieurs questions se posent :

  • Le RSS est-il un employé du syndicat, de son ancien employeur, du maître d’œuvre ? Autre ?
  • Les relations de travail gouvernant cet emploi sont-elles régies par la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (Loi R-20) ?
  • Les conditions de travail sont-elles nécessairement celles prévues à la convention collective applicable au chantier ?
  • Peuvent-elles être plus généreuses ?
  • Que se passe-t-il si le maître d’œuvre n’est pas un employeur professionnel au sens de la Loi R-20 ?

L’affaire FTQ-Construction et Garoy Construction

Devant ce flou juridique, Garoy Construction (Garoy) demande aux RSS assignés sur ses chantiers de construction de signer une confirmation d’embauche. Garoy souhaite ainsi établir clairement la relation employeur-employé l’unissant au RSS, les conditions de travail applicables et encadrer son pouvoir de gestion.

Sur l’un de ses chantiers, la FTQ-Construction a vu cette intervention comme un stratagème d’ingérence dans les activités syndicales et a déposé une plainte pour pratiques déloyales et entrave en vertu de l’article 100 de la Loi R-20. Devant le Tribunal administratif du travail, division construction, tous les syndicats de la construction interviennent ainsi que les associations représentatives d’employeurs, en plus de la CEGQ. Les procureurs de la CCQ et de la CNESST sont également présents.

Les syndicats défendaient la position que les RSS sont des employés, des salariés de la construction au sens de la Loi R-20, que cette loi s’applique au RSS et au maître d’œuvre intégralement de même que les conventions collectives.

Une entente mutuellement bénéfique valant mieux qu’un procès, le 9 août dernier, les parties ont convenu d’un motus operandi :

La signature d’une confirmation d’embauche établissant un lien employeur-employé est possible ;

  • Les conditions de travail appliquées seront celles prévues à la convention collective applicable au chantier auquel le RSS est assigné ;
  • Le maître d’œuvre Garoy, agissant comme employeur, dispose d’un pouvoir de gestion sur le RSS et de l’exécution de ses tâches1 ;
  • Le maître d’œuvre peut transmettre copie de ses politiques, procédures et programme de prévention et s’assurer que le RSS en prend connaissance.

Des questions demeurent

  • La relation employeur-employé entre le RSS et le maître d’œuvre est-elle obligatoire, la LSST ne l’imposant pas ? Dans ses interventions publiques, le ministre du Travail rappelait que la Loi ne prévoyait que l’obligation du maître d’œuvre à cet égard se limitait à assumer les coûts.
  • La Loi R-20 s’applique-t-elle réellement au RSS ?
  • Si oui, quels sont les pouvoirs d’intervention de la CCQ à son égard ?

Ces questions demeurent pertinentes et feront sûrement l’objet d’autres litiges.

Entre-temps, le motus operandi convenu avec les syndicats a le mérite de clarifier pour Garoy ses relations de travail avec ses RSS. Garoy et les RSS peuvent maintenant se concentrer sur le plus important : la santé et la sécurité des travailleur(euse)s sur les chantiers.

En conclusion, nous encourageons les maîtres d’œuvre à clarifier leurs relations avec les RSS : employé, employé du syndicat, de son ancien employeur, d’un sous-traitant, etc. Pour ce faire, utiliser le document contractuel approprié : confirmation d’embauche, entente de location de main-d’œuvre avec son employeur dont le RSS est libéré, entente de remboursement avec son employeur spécialisé habituel, etc.

N’hésitez pas à communiquer avec nous : nous serons en mesure de vous accompagner dans la rédaction du document approprié.

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1 Article 210 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail

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