Par Me Alex Tremblay / Cain Lamarre
Une tendance a été remarquée à l’effet d’inclure des clauses contractuelles de nature administrative à même les soumissions déposées au BSDQ. Ce sujet a par ailleurs été traité par voie de communiqué spécial du BSDQ en date du 30 mai 2022, lequel exposait les potentiels risques de telles clauses dans les soumissions. Parmi celles-ci se retrouvait le fait d’indiquer que seul le contrat-type ACC-1 dans sa version B sera accepté.
D’une part, l’article D-1 du Code du BSDQ énonce qu’une soumission déposée ne doit pas comportée d’exclusion et doit être conforme aux documents de soumission, soit les plans et devis, les clauses administratives et techniques, générales ou particulières. D’autre part, la version B de l’ACC-1 donne préséance aux dispositions de ce contrat-type sur les documents de soumission.
Alors, la question se pose : la version B de l’ACC-1 contredit-elle automatiquement les documents de soumission rendant ainsi la soumission non conforme ? Pour y répondre, nous nous sommes prêtés à l’exercice de comparer les clauses administratives des documents d’appels d’offres publics standards de municipalités et d’organismes publics avec l’ACC-1.
Bien que limité, ce simple exercice a révélé près d’une dizaine de différences, modifications ou contradictions, notamment en matière de paiement des matériaux non incorporés à l’ouvrage, d’intérêts, de paiement de la retenue, de retard, du processus d’avis de différend, etc.
À strictement parler, on doit donc conclure que si un soumissionnaire rend son exécution conditionnelle à l’utilisation de l’ACC-1 dans sa version B, cela ne respecterait pas les documents de soumission.
À ce propos, il est intéressant de faire un parallèle avec la décision Entrepreneurs de construction Concordia c. Entreprise Jean et Gaston inc.1 dont l’analyse avait justement porté sur la comparaison de documents de soumission et la version B de l’ACC-1 proposée par le soumissionnaire. Dans cette affaire, le tribunal en est venu à la conclusion que les modifications aux clauses relatives au prix, aux termes de paiement, aux matériaux livrés mais non incorporés et à la retenue prises individuellement, n’apparaissent pas majeures mais que c’est « […] le cumul des modifications qui à terme rompt l’équilibre contractuel ».
Il faut cependant se garder de donner une trop grande portée à cette affaire et surtout ne pas l’interpréter comme avalisant le droit d’un soumissionnaire d’inclure les clauses du contrat-type ACC-1 version B à même sa soumission déposée au BSDQ. Effectivement, cette décision n’avait pas à trancher la question de la conformité de la soumission déposée par le soumissionnaire mais uniquement d’analyser la rupture du contrat et l’inexécution issue de l’échec des négociations du contrat suivant le processus d’appels d’offres du BSDQ. Comme il s’avère que les tribunaux ont jusqu’alors refusé de déclarer abusives les dispositions du Code du BSDQ, et considérant la règle édictée à J-1 de ne contracter qu’aux prix et conditions d’une soumission déposée ; il faut nécessairement s’en remettre à une analyse sous l’angle de la conformité.
Compte tenu de ce qui précède, il nous apparaît plus que probable que les tribunaux, s’ils avaient à analyser la question de la conformité d’une soumission incluant la version B de l’ACC-1, concluraient dans le sens de la non-conformité. Les soumissionnaires n’auront donc qu’à s’en prendre à eux-mêmes s’ils voyaient leur soumission écartée par les entrepreneurs généraux adjudicataires. En effet, bien que les généraux ont le loisir d’user ou non de leur discrétion en cas d’irrégularité mineure selon J-6, nous croyons qu’il serait judicieux de s’abstenir par prudence à moins de circonstances particulières ou d’une volonté de voir les tribunaux se prononcer à ce sujet.
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1 Entrepreneurs de construction Concordia inc. c. Entreprise Jean et Gaston inc., 2019 QC CS 1397